Aerial view of Hattusa (Bogazkoy)

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Sharruma holding King Tudhaliya IV (relief from Yazilikaya)

LE PAYS DE HATTI ET LE PAYS DE SAPINUWA

par Philippe Clancier, Paris.

D'après l'article du professeur Aygül Süel de l'université d'Ankara et du docteur Mustafa Süel de l'université d'Uludag. Archéologia n°334, mai 1997, pages 68 à 74.

C'est dans le courant de l'année 1990 que fut mise au jour la cité hittite de Sapinuwa près de la ville moderne d'Ortaköy à 53 kilomètres au sud-est de Çorum. Située entre deux plaines, celle d'Amasya à l'est et celle d'Alaca à l'ouest, la ville de Sapinuwa se trouvait sur l'itinéraire de la capitale hittite Hattuša.

L'agglomération était importante. Occupant une zone de 2.5 sur 3 kilomètres, elle était renforcée d'un système défensif articulé autour d'une enceinte et d'une forteresse. La localisation de cette dernière, sur la partie la plus élevée du site, aurait pu être l'ancienne ville haute. Enfin, un complément défensif a été apporté, dans un second temps, à l'enceinte principale. Le site n'est d'ailleurs pas avare en constructions monumentales qui, malgré les outrages du temps, restent impressionnantes. En effet, les ouvriers hittites ont, ici, fait appel au style cyclopéen bien représenté dans leur capitale. Ainsi, le bâtiment A est un exemple parlant de ce type d'architecture. Il a pu être déterminé quelles étaient les carrières employées et le cheminement des blocs de pierre jusqu'à leur insertion dans l'ensemble de la construction: après avoir été extrait, les blocs étaient dégrossis puis transportés sur le site où ils faisaient l'objet d'une préparation en vue de leur adaptation à l'appareillage du mur. Particulièrement bien fini, le bâtiment A a laissé des vestiges qui sont un exemple parlant de ce que fut l'architecture monumentale hittite. Enfin, l'architecture de l'édifice était complétée par des murs de terre crue reposant sur des fondations de pierre. Détruit par un incendie ne revêtant apparemment pas un caractère militaire, le bâtiment recelait en outre de nombreuses tablettes.

La majeure part de celles-ci est composée de lettres (royales, officielles etc.). La force de cette documentation est d'élargir le stock des écrits hurrites et donc de favoriser la recherche dans ce domaine. Enfin, pour compléter ce rapide panorama, les fouilleurs ont aussi mis au jour des textes en langue akkadienne. A ce jour, on dénombre plus de 3000 tablettes et fragments découverts.

Il a aussi été mis au jour un autre grand bâtiment de construction proche du A. Or ce second édifice, dénommé, non sans logique, B, a révélé une architecture elle aussi massive mais nuancée par de nombreuses structures en briques qui s'élèvent aujourd'hui encore sur plus d'un mètre de haut en certains endroits. La fonction de B était celle d'un entrepôt. Détruit par un incendie, ses structures en brique furent cuites et donc conservées. La chance sourit une fois de plus aux archéologues puisqu'ils découvrirent un fragment de tissus et d'autres objets, dont beaucoup servaient au stockage. Le dernier point à être encore révélé est l'identification de cèdres ayant servis d'éléments architecturaux.

Mais quelle était l'importance de cette ville? L'archéologie et la philologie ont pu apporter des éléments de recherche. La traduction préliminaire des quelques 3000 tablettes et fragments a permis d'identifier le site d'Ortaköy avec l'antique cité de Sapinuwa. Les correspondances adressées au Grand Roi ainsi qu'à ses fonctionnaires, de même que les voies de réponses qu'a apporté cette documentation pour un certain nombre de problèmes d'ordres géographique et administratif, permet de penser, d'une part, que la ville était résidence royale, d'autre part qu'elle était un centre administratif, militaire et religieux d'importance dont dépendaient un certain nombre d'autres agglomérations. Par ailleurs, les textes de Hattuša tendent à démontrer toute l'importance de la cité de Sapinuwa. En effet, non seulement elle était une place militaire importante régulièrement visitée par le roi mais encore servait de point d'appui ou même de refuge lorsque Hattuša était menacée par les Gasgas. Sorte de capitale intérimaire, il semble bien qu'elle puisse être identifiée sans erreur avec le site d'Ortaköy.

La présence culturelle hurrite est visible à travers les tablettes écrites en cette langue. Un groupe de scribes hurrites a, d'ailleurs, put être identifié comme résidant dans la ville. Grâce à tous ces renseignements, autant matériels qu'écrits, la ville de Sapinuwa pourra, sans aucun doute, favoriser la progression de nos connaissances dans un monde hittite qui révèle petit à petit à notre compréhension.